
Chaque année, plusieurs millions de fidèles convergent vers Touba, la ville religieuse située au centre du Sénégal, pour y célébrer le Grand Magal, un pèlerinage en hommage à Cheikh Ahmadou Bamba.
Le Magal de Touba commémore le départ en exil du Cheikh Ahmadou Bamba. fondateur du mouridisme, l’une des confréries soufies les plus influentes du pays.
C’est le plus grand rassemblement religieux du Sénégal et l’un des plus importants pèlerinages musulmans d’Afrique de l’Ouest.
Le Magal est à la fois un moment de ferveur spirituelle, d’expression culturelle, de solidarité communautaire et de dynamisme économique, mobilisant des ressources colossales sur une courte période.
Origines et sens d’un pèlerinage
Le Grand Magal de Touba est le plus grand événement religieux du Sénégal et l’un des plus importants rassemblements spirituels en Afrique.
Célébré chaque année au 18 Safar du calendrier hégirien, il commémore le départ en exil de Cheikh Ahmadou Bamba, fondateur de la confrérie soufie du Mouridisme.
Arrêté par l’administration coloniale française en 1895, il a été déporté au Gabon et accusé de vouloir fomenter une rébellion.
Mais pour les mourides, commémorer cet exil est un acte de foi, une fête pour rendre grâce à Dieu car selon les récits historiques, Cheikh Ahmadou Bamba ou Serigne Touba a considéré son exil non pas comme une punition, mais plutôt comme un moyen d’ascension spirituelle.
Le mot « Magal » qui veut dire célébrer, rendre hommage en wolof, est apparu pour désigner cette célébration que les Mourides organisent le 18 safar de chaque année.
A travers des récitations de Khassaïdes, des conférences islamiques, des actions sociales et culturelles, les fidèles expriment leur attachement aux valeurs de travail, d’endurance, de paix et de foi.
Au fil des ans, le Magal est passé d’une simple célébration locale à un événement national qui attire des milliers de pèlerins venus de tout le Sénégal et d’ailleurs.
Le Grand Magal de Touba est l’expression d’une résistance pacifique, c’est une journée de commémoration, de prière, de solidarité, de générosité mais aussi d’organisation logistique impressionnante.
A travers ses quatre dimensions – spirituel, social, économique et politique – il offre l’occasion de découvrir une réalité singulière au Sénégal et dans le monde musulman, celle d’un islam sunnite, soufi et africain, qui a inscrit le pacifisme et le travail au cœur de sa doctrine.

Qui est Cheikh Ahmadou Bamba ou Serigne Touba ?
Fondateur de la confrérie mouride, Cheikh Ahmadou Bamba de son nom complet Ahmadou Bamba Mbacké (1853-1927) est une figure emblématique de l’histoire du Sénégal et un chef spirituel qui a profondément marqué le paysage religieux et social du pays.
Il est vénéré non seulement pour sa piété et son érudition, mais aussi pour sa résistance pacifique face à la colonisation française.
Cheikh Ahmadou Bamba est né en 1853 à Mbacké, dans la région de Diourbel, dans le Centre du pays.
Fils de Mame Mor Anta Sali Mbacké et de Sokhna Diarra Bousso, il grandit dans une famille profondément religieuse. Très tôt, il fut initié à l’étude du Coran et des sciences islamiques par son père, qui était lui-même un érudit respecté. Son intelligence et sa piété étaient remarquables, ce qui l’amena à approfondir ses connaissances dans différentes écoles coraniques de la région.
Savant érudit, poète mystique et guide spirituel, il a prêché un islam pacifique, axé sur le travail, la discipline et la soumission à Dieu.
Son opposition non-violente à l’administration coloniale française lui valut plusieurs exils, mais renforça son aura auprès des populations.
Par ses enseignements et ses écrits, il a façonné une voie soufie originale, la Mouridiyya, qui repose sur la dévotion au marabout, le travail comme acte de foi et la recherche de perfection spirituelle.
Malgré les persécutions, Serigne Ahmadou Bamba ne cessa jamais de prêcher la paix, la résistance spirituelle, et l’importance du travail. Il composa des milliers de poèmes et d’écrits religieux en arabe, connus sous le nom de « Khassaides », qui sont encore récités et chantés par les disciples mourides aujourd’hui.
Il fonda également la ville de Touba, qui est devenue au fil du temps, un centre spirituel et économique pour la confrérie et pour tous les musulmans.

Touba, ville au statut particulier
Touba, ville sainte fondée par Cheikh Ahmadou Bamba en 1887, est aujourd’hui le cœur battant de la confrérie mouride. Elle abrite la Grande Mosquée de Touba, joyau architectural et lieu central du Magal, ainsi que les mausolées des figures éminentes du Mouridisme.
De tradition soufie, le Mouridisme fondé au 19ème siècle, est l’une des plus importantes confréries musulmanes du pays et son influence sur la politique au Sénégal est considérable.
Cité religieuse autonome, Touba fonctionne selon un modèle particulier où l’autorité spirituelle du Khalife prime sur l’organisation administrative classique.
C’est un espace à part, régi par des règles morales et religieuses strictes, exempt d’activités comme la vente d’alcool ou la danse publique, et dont l’économie est étroitement liée au pèlerinage et au commerce mouride.
Les pèlerins affluent vers la ville sainte de Touba, où se dresse la grande mosquée, témoignage de l’héritage de Cheikh Ahmadou Bamba.
Avec son architecture remarquable et son atmosphère sereine, la grande mosquée est le point central des festivités, rassemblant les fidèles autour d’un même objectif et d’une même dévotion.

Role politique et religieux du Khalife général des Mourides
Dans la ville sainte de Touba, tout tourne autour de la figure silencieuse et respectée du khalife général, le chef de la communauté, héritier direct de Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké, fondateur de la confrérie.
La confrérie mouride, née d’un idéal de foi, de discipline et de travail, s’est organisée au fil des décennies en une véritable société.
Au sommet, le Khalife – actuellement Serigne Mountakha Bassirou Mbacké – incarne l’âme du Mouridisme. Son autorité est incontestée.
Autour de lui, une constellation de marabouts, descendants ou disciples du fondateur, assurent la transmission du savoir religieux et le suivi des talibés, ces fidèles qui se placent sous leur direction spirituelle.
Dispersés au Sénégal et dans la diaspora, les dahiras – associations de disciples – entretiennent le lien avec la confrérie, organisant prières, actions sociales et collecte de fonds.
Le rôle du Khalife dépasse largement le cadre religieux. Dans ses prêches, il fixe le cap moral, rappelle les valeurs de patience, de discipline et de service à autrui.
En coulisses, il administre, gère les ressources, arbitre les conflits, mobilise pour des projets agricoles ou éducatifs, et veille sur Touba, ville au statut particulier, administrée selon les règles de la confrérie.
Dans ses décisions, il ne parle pas seulement au nom des Mourides, mais au nom d’une mémoire collective et d’un héritage spirituel, et toutes ses prises de parole tournent autour du respect des enseignements de l’Islam et du respect des règles édictées par le fondateur de la confrérie.
A Touba, la succession au Khalifat obéit à un ordre précis : de frère en frère, entre les fils de Cheikh Ahmadou Bamba, puis aux petits-fils.
Chaque Khalife, par sa personnalité, marque son époque. Certains ont incarné la rigueur, d’autres l’ouverture internationale, mais tous ont gardé le même cap : protéger et transmettre l’héritage du fondateur.
Les différents Khalifes de Cheikh Ahmadou Bamba :
- 1. Serigne Mouhamadou Moustapha Mbacké , 1ᵉʳ khalife (1927–1945). Il a lancé la construction de la Grande Mosquée de Touba.
- 2. Serigne Mouhamadou Fadl (Fallou) Mbacké, 2ᵉ khalife (1945–1968) : il a achevé et inauguré la mosquée.
- 3. Serigne Abdoul Ahad Mbacké, 3ᵉ khalife (1968–1989) : la modernisation et les infrastructures de Touba portent son empreinte.
- 4. Serigne Abdou Khadr Mbacké, 4ᵉ khalife (1989–1990) : Son règne fut très bref ( seulement 11 mois) ; il est surnommé « l’Imam des imams » pour son rôle d’imam ratib à la Grande Mosquée.
- 5. Serigne Saliou Mbacké, 5ᵉ khalife (1990–2007) : très populaire auprès de la jeune génération, il est l’initiateur de grands projets agricoles et d’écoles coraniques.
- 6. Serigne Mouhamadou Lamine Bara Mbacké, 6ᵉ khalife (2007–2010) : premier des petits-fils de Bamba à accéder au khalifat, il était connu pour son franc-parler et son attachement à l’éthique du travail.
- 7. Serigne Sidy Mokhtar Mbacké : 7ᵉ khalife (2010–2018) : réputé être un grand soufi, un partisan d’un islam rigoriste, il est l’architecte de grands projets universitaires.
- 8. Serigne Mountakha Bassirou Mbacké : il est l’actuel Khalife depuis janvier 2018. Le 8ᵉ khalife des mourides est un homme de consensus. Il est peint comme quelqu’un de très calme, rigoureux, véridique et très sociable.
